L’adaptation des contes de fées est à la
mode à Hollywood depuis le succès planétaire d’Alice
Au Pays des Merveilles en 2010. Disney l’a bien
compris et a mis en chantier sa version live de La Belle au Bois
Dormant. Mais à défaut de reprendre l’histoire originale, c’est
Maléfique qui sera au centre de l’intrigue. En
effet, la fameuse fée est l’une des méchantes les plus célèbres de
l’histoire du cinéma d’animation. Depuis 55 ans, le personnage créé par
Marc Davis fait trembler petits et grands enfants. Après quatre ans de
travail, le résultat est définitivement à la hauteur du personnage…

Vivant dans la Lande, pays des fées
abritant de multiples richesses et créatures extraordinaires, Maléfique
grandit paisiblement dotée de ses ailes somptueuses et fortes. Un jour,
une armée d’envahisseurs menace les frontières du pays et Maléfique
s’élève en féroce protectrice de cette terre. Dans cette lutte acharnée,
une personne en qui elle avait foi va la trahir, déclenchant en elle une
souffrance à nulle autre pareille qui va petit à petit transformer son
cœur pur en un cœur de pierre. Ivre de vengeance, et poussée par la
volonté farouche de défendre les terres sur lesquelles elle règne,
Maléfique lance un terrible sortilège sur la fille du roi des hommes, la
petite Aurore. Devenue jeune fille, Aurore est prise dans le conflit qui
oppose le royaume de la forêt qu’elle a appris à aimer, et celui des
hommes dont elle est l’héritière.
Plus qu’une adaptation cinématographique
du conte de Perrault ou du long-métrage animé de Walt Disney,
Maléfique révèle l’histoire méconnue de la plus
emblématique des méchantes Disney et construit un peu plus la légende de
ce personnage mythique. Le premier acte est tout à fait original et
passionnant. Le récit mis en place est parfaitement crédible, et voir la
douce Maléfique se transformer progressivement en démon est un véritable
plaisir. Et même quand l’histoire reprend son cour habituel à partir de
la scène du baptême, le film sait surprendre et entamer sa propre voie.
Pas de crainte cependant,
Maléfique tire aussi avantage des éléments majeurs
de La Belle au Bois Dormant (le baptême, le fuseau, le
dragon…). La relation qui s’installe entre Maléfique et Aurore est
toutefois traitée de façon inédite et offre de beaux moments jusqu’au
grand final. C’est le paradoxe de cette adaptation ! Parfois
retranscription fidèle du dessin animé (comme la scène du baptême,
proposée à l’identique), certains aspects du récit en sont complètement
opposés, si bien qu’on se perd parfois entre fidélité et originalité.

On regrettera tout
de même un scénario simple et linéaire, et quelques longueurs au milieu
du récit (en soit, il s’agit du même défaut que sur La Belle au
Bois Dormant). Autre point faible, le film manque d’un soupçon
de souffle épique. Robert Stromberg,
qui coiffe pour la première fois la casquette de réalisateur, s’éloigne
de l’univers fantasy qu’avait pu prendre par exemple Blanche-Neige
et le Chasseur. Ici, le ton s’appui davantage sur le merveilleux
et l’enchantement que sur les batailles et les monstres… un défaut pour
certains, une qualité pour d’autres. Pour autant, les quelques scènes
d’action auraient mérité d’être plus longues et nombreuses, surtout pour
un film qui ne dure qu’1h30. On pense notamment à la première bataille
contre le roi Henri qui, bien que spectaculaire, aurait mérité
quelques minutes en plus.
Admirée par de
nombreuses générations, Maléfique devait être interprétée par une
actrice de grande aura. Nulle n’aurait offert meilleure performance qu’Angelina Jolie.
Attachée au projet depuis ses débuts, l’actrice oscarisée mêle à la fois
douceur, féminité et froideur. Maléfique est un personnage beaucoup plus
complexe que dans le dessin animé de 1959. Non motivée par un unique
désir de vengeance, la fée protège farouchement son royaume et toutes
les créatures qui le peuplent. Le côté obscur de Maléfique est
parfaitement mis en parallèle à l‘innocence et la lumière d’Aurore,
interprétée par Elle Fanning.
A l’instar du long-métrage animé, la princesse parait fade, tant elle
est éclipsée par le charisme de Maléfique. La jeune actrice reste
néanmoins convaincante. Animé par une ambition aveugle, le roi Stéphane
incarné par Sharlto Copley,
se mue en méchant du film. Maléfique a un fidèle compagnon qui
n’apparaît que sous la forme d’un corbeau dans La Belle au Bois
Dormant, mais que la fée transforme ici à sa guise : une idée de
génie ! Diaval,
interprété par
Sam Riley, est un excellent
ajout. Plus que
le loyal compagnon de Maléfique, il en est aussi la conscience durant
les 16 ans qu’ils passent ensemble à regarder Aurore grandir. Les trois
fées - Hortense, Florette et Capucine -, sont une déception. Sensées
apporter une note comique au film, les blagues et situations dont elles
sont à l’origine tombent souvent à plat. Complètement mises de coté par
rapport au duo Maléfique/Aurore et au dessin animé, elles sont
heureusement – pour le coup - peu présentes à l’écran.

La musique de
Maléfique a été confiée à
James Newton Howard
qui avait déjà œuvré chez Disney pour Dinosaure ou
La Planète au Trésor. Les mélodies sont globalement réussies
même s’il manque un thème fort que l’on rattacherait immédiatement à
l’adaptation. Le générique de fin est une reprise envoutante du célèbre
thème du long-métrage animé « Once Upon a Dream » interprété par Lana
Del Rey.
Le réalisateur
Robert Stromberg
livre un film visuellement parfait, offrant des décors et une palette de
couleurs saisissants. Rien d’étonnant pour Stromberg, chef
décorateur doublement oscarisé d’Avatar et
Alice Au Pays des Merveilles.

Maléfique bénéficie de deux univers
radicalement opposés oscillant entre réalisme et féérie. Le monde des
humains est symbolisé par l’imposant château, reproduction presque
parfaite - intérieur et extérieur - de celui du film d’animation de
1959. Le monde des hommes est traité de manière lugubre tandis que la
Lande est lumineuse, féérique. Les effets spéciaux sont de grande
qualité, l’équipe en charge étant celle qui avait œuvré sur
Alice Au Pays des Merveilles. Mais, contrairement à ce dernier,
Maléfique profite de bien plus de décors réels,
apportant une touche de proximité et de réalisme bienvenue. La 3D est
une réussite, sublime valeur ajoutée à des scènes telles le vol de
Maléfique au début du film, la scène du fuseau (magistralement
retranscrite) ou la bataille finale avec le dragon.
Après quatre années de gestation, Maléfique
est une adaptation réussie. Jouissant d’un casting fort (la magistrale
Angelina Jolie en tête), d’une histoire inédite et d’effets visuels
saisissants, le défi de proposer un nouvel univers est parfaitement
rempli. On regrettera un scénario linéaire et quelques longueurs au
milieu du récit. Mais ne boudons pas notre plaisir, Maléfique
montre une fois de plus que la plus célèbre méchante Disney est
définitivement un personnage légendaire de son univers.
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