Après trois ans de vache maigre avec les déceptions critiques et artistiques qu'ont été Cars 2, Rebelle et Monstres Academy suivis de deux années de pause, les studios d'animation Pixar reviennent en force avec un film totalement inédit, Vice-Versa. Faites le plein d'émotions... Pixar is back !

 

 

Pour leur 15e long-métrage d'animation, les Pixar Animation Studios vous invitent dans un lieu connu de tous mais pourtant bien mystérieux... l'esprit humain ! Et pas n'importe lequel... celui de Riley, une jeune fille de 11 ans, en plein trouble émotionnel suite au déménagement de ses parents et devant laisser sa vie et ses amis du Midwest pour l'inconnu de San Francisco. Autant dire que dans l'esprit de Riley, ça bouillonne et au Quartier Cérébral, c'est l'effervescence ! Joie, Tristesse, Peur, Dégoût et Colère, les émotions qui habitent l'adolescente, tentent de la guider dans cette nouvelle vie, mais les choses se compliquent quand Joie et Tristesse sont accidentellement expulsées du QC...

 

 

On désespérait de pouvoir le redire un jour... mais Vice-Versa peut clairement concourir au titre du Pixar le plus original. Le concept est simple mais tellement brillant qu'on se demande comment personne n'a pu y penser avant. Véritable allégorie de l'esprit humain, le long-métrage nous propose un voyage encore jamais vu au centre de la tête, loin de la vision que les oeuvres du genre, la série animée Il Etait une Fois la Vie en tête, ont pu apporter. En s'affranchissant intelligemment de toute exactitude anatomique, la place est laissée libre pour l'imagination la plus totale, conduisant à des trouvailles visuelles bluffantes. Point le neurone, de synapse ou de neurotransmetteur ici, la cartographie cérébrale prend un sacré coup de fantaisie ! Le périple de Joie et Tristesse est l'occasion d'illustrer tous les éléments fondateurs de l'esprit humain dans un abstrait délirant : la Mémoire à Long-terme et ses souvenirs stockés sous la forme de globes, les Îles de la Personnalité, le Pays de l'Imagination, la Production des rêves... des univers peuplés de personnages tout aussi évocateurs. Les "vice-versa" réalisés avec le monde extérieur coupent adroitement la linéarité inhérente aux récits de voyages et la découverte successive de différents mondes.

 

 

Joie et Tristesse sont clairement les deux émotions les plus mises en valeur. La première est un concentré de bonne humeur et d'optimisme. Malgré un dynamisme exacerbé qui peut se révéler agaçant sur le long-terme, le personnage demeure très attachant. Tristesse lui volerait presque la vedette sur ce créneau, elle qui concentre paradoxalement l'empathie du public par un burlesque inattendu. Les trois autres émotions, Colère, Peur et Dégoût sont autant de réussite, et les voir gérer à eux trois la nouvelle vie de Riley est d'un délice presque coupable. A la fois actrice et décors, on ne peut considérer la jeune Riley comme une coquille vide, elle qui capte irrémédiablement la sympathie du spectateur. Tout est fait pour que l'on s'identifie à elle, et le couple de parents saura intercepter les derniers adultes réfractaires.

 

 

Le sens de la comédie est parfaitement maîtrisé, et Vice-Versa se révèle être l'un des Pixar les plus drôles, tant par la fraîcheur de l'écriture que par la subtilité des références. Paradoxalement, c'est dans la transmission des émotions avec le spectateur que le long-métrage trouverait sa première faiblesse, comme si leur personnification les enfermait derrière l'écran. Il manquerait juste ce petit frisson, celui qui a tant marqué les plus grands standards du studio à la lanterne.

 

Le travail technique réalisé pour Vice-Versa est irréprochable. Les couleurs improbables de l'esprit de Riley, vives et chatoyantes, contrastent avec le rendu presque photoréaliste du monde réel. L'ouvrage exécuté pour les textures des émotions est saisissant, comme si les personnages étaient constitués de particules immatérielles, mises en lumières par un halo doux et chaleureux. Le réalisateur Pete Docter, à qui l'on doit les excellents Monstres et Cie et Là-Haut, montre une nouvelle fois son aisance à filmer l'animation. En revanche la partition de Michael Giacchino (Ratatouille, Là-Haut), complètement masquée par tant d'ambition artistique, se révèle étonnement anecdotique.

 

 

Unique et audacieux, Vice-Versa est le résultat d'un pari surréaliste. Celui d'imager l'abstrait en s'adressant à tous les âges. De donner vie à un concept, avec une maîtrise technique et artistique jubilatoire pour évoquer métaphoriquement l'une des plus grandes étapes de la vie d'un homme, celui du passage à l'âge adulte...