Mulan est un film à part dans la collection des adaptations des longs-métrages d’animation Disney. Annoncé comme le blockbuster de l’année 2020 du studio, au budget colossal de 200 millions de dollars, le film a vu sa carrière cinématographique anéantie par la pandémie de COVID-19. La quasi-totalité des salles de cinéma ayant fermé, la superproduction est désormais annoncée pour une sortie directement sur la plateforme de streaming maison, Disney+.

 

 

Première note positive, cette nouvelle lecture de Mulan prend des libertés par rapport au long-métrage animé de 1998, se rapprochant davantage de la légende chinoise du VIème siècle « La Ballade de Mulan ». L’objectif - peu dissimulé - étant vraisemblablement de satisfaire le public chinois, nouvelle manne financière du cinéma hollywoodien. L’adaptation de Niki Caro a donc une approche plus mature que le classique Disney : pas de chansons ni de Mushu pour amuser le public. L’exubérant dragon est d’ailleurs remplacé par une créature mythologique moins présente à l’écran et aux interventions beaucoup plus sobres. Une absence remarquée par certains fans mais justifiée par le nouveau ton du récit. Autre différence, l’absence apparente du Capitaine Shang. Jugeant une relation sentimentale avec un supérieur hiérarchique trop sensible depuis la mouvance #MeToo, les scénaristes ont préféré réécrire le personnage sous le traits de Chen Honghui, simple camarade d’armée de Mulan.

 

 

La réalisation donne ainsi la priorité aux scènes d’actions et combats d’arts martiaux minutieusement chorégraphiés. L’ambition de rendre hommage aux classiques du genre (Tigre & Dragon…) semble légitime mais peine à faire mouche, le spectateur restant sur sa faim. Un comble avec un casting chinois pourtant illustre tel Jet Li ou Donnie Yen, totalement sous exploité. L’âme épique du film finit par tomber à l’eau, les scènes de combat manquant d’étoffe. La célèbre scène de l’avalanche, qui a pourtant fait vibrer les spectateurs il y a vingt ans en animation, peine à impressionner en prises de vues réelles. La photographie est cependant exceptionnelle, rendant justice aux magnifiques décors naturels de Chine.

 

 

Si l’on souligne l’originalité de cette version par rapport à son ainé, l’atmosphère fantastico-magique apportée par les digressions scénaristiques semblent très discutables. L’ajout de la sorcière Xian Lang est déconcertant et n’ajoute aucune plus-value au récit qui souffre de ce double ton. Pire, sa présence éclipse le vrai méchant, Bori Khan, qui n’inspire aucune peur à l’auditoire. Les enjeux en sont réduits, et les performances des héros sous évaluées. Enfin, l’attribution des capacités guerrières de Mulan à un don presque divin (appelé le « chi ») déroute le spectateur, là où l’héroïne animée parvenait à sauver la Chine sans aucun pouvoir.

 

 

Le casting du film, essentiellement constitué d’acteurs locaux, est globalement de bonne facture. La jeune Liu Yifei incarne une Mulan plutôt convaincante, emprunte de douceur et de force. La partition musicale signée Harry Gregson-Williams, chef d’orchestre des productions Disneynature, est une ode aux sonorités asiatiques et invite au voyage. Une belle réussite.

 

Moins paresseux que les précédents remakes du studio (qui a dit Le Roi Lion ?), Mulan manque d’un réel souffle épique. Plus mature que le film d’animation, cette version 2020 cherche son ton, balloté entre action et fantastique sans choisir son camp. Les nouveaux personnages à la légitimité douteuse n’arriveront pas à effacer un Mushu ou un Shang aux abonnés absents. Reste un casting chinois de qualité, une belle photographie et une excellente musique pour passer un agréable moment.