Deux pour le prix d'un. Quelques mois après le succès critique et commercial de Vice-Versa, Pixar remet le couvert avec Le Voyage d'Arlo qui supporte, nous devons l'avouer, une attente beaucoup moins marquée. Connue pour ses déboires de préproduction (et le départ de son réalisateur d'origine en août 2013), la 16e production Pixar porte un bagage douloureux qui se ressent dans l'oeuvre finale.

 

 

Pourtant, le postulat initial laissait présager un film original et audacieux. Et si l’astéroïde responsable du cataclysme qui a radicalement bouleversé la vie sur Terre n’avait jamais heurté notre planète ? Les dinosaures auraient continué à évoluer paisiblement, jusqu'à l'apparition de l'espèce humaine. Séparé accidentellement de sa famille, Arlo, le jeune Apatosaure le plus peureux de la préhistoire, se retrouve livré à lui-même dans des terres hostiles et sauvages. Il va y faire la connaissance d'un ami tout à fait improbable... un humain. Une fois son twist introductif si prometteur passé, Le Voyage d'Arlo se révèle donc être un voyage initiatique bien classique, où l'évolution concomitante de l'homme et du dinosaure n'est abordée que par la relation d'amitié qui unit Arlo et Spot, là où tant d'autres enjeux auraient pu être évoqués et enrichir l'histoire.

 

 

Le Voyage d'Arlo paye t-il son développement laborieux ? Les personnages eux-mêmes semblent manquer de profondeur. Il y a bien le jeune Arlo, qui capte indéniablement la sympathie et l'attachement du spectateur, même si ses phobies frôlent la caricature. Spot, avec ses attitudes de petit chien et ses grimaces, est un atout humoristique réel. Le reste du bestiaire reste en revanche bien anecdotique, et aucun rôle secondaire ne semble attirer l'attention. L'apparition du Styracausaure Le Collectionneur est bien trop brève pour en comprendre réellement l'intérêt, tandis que le trio de T-Rex peine à exister, souffrant d'une exposition trop tardive dans le déroulement du récit. Quant aux principaux antagonistes, les Ptérodactyles et Vélociraptors, ils ne sont pas suffisamment crédibles pour imposer réellement une menace.

 

La première réussite de Le Voyage d'Arlo est sans aucun doute sa technique remarquable. Le réalisme et l'immensité des décors de cet Ouest préhistorique sont à couper le souffle. Le rendu des éléments, des textures, des arbres et des rivières impose l'admiration et prouve une nouvelle fois la suprématie de Pixar Animation Studios dans le domaine. Mais face à tant de richesse visuelle, l'étonnante simplicité graphique des personnages nécessite un réel temps d'adaptation. Difficile de justifier ce parti pris presque enfantin qui tranche avec l'immersion jouissive du panorama.

 

 

Le Voyage d'Arlo trouve un atout supplémentaire dans la transmission des émotions. La relation que développent Arlo et Spot est forcément attendrissante. Les valeurs du travail et de la famille sont dignes de l'héritage Pixar. Néanmoins, on peine à retrouver la subtilité et le second degré des œuvres les plus emblématiques du studio à la lampe.

 

Dure tâche pour Peter Sohn de prendre le train en route. Après le brillant court-métrage Passages Nuageux, le réalisateur aurait-il hérité d'un cadeau empoisonné ? Modifications tardives de l'histoire, réévaluation profonde des personnages... ces nombreuses difficultés se payent dans l'œuvre finale. Les frères Mychael et Jeff Danna semblent avoir été moins inspirés que pour L'Odyssée de Pi et offrent une partition musicale peu pertinente pour leur première collaboration avec Pixar. Quant au casting vocal français, il est constitué très majoritairement de doubleurs professionnels et ne souffre pas réellement de défaut, tout comme le jeune Jean-Baptiste, sélectionné parmi 1700 candidatures, qui offre une prestation tout à fait descente pour une première expérience.

 

 

Malgré des qualités techniques évidentes et une force émotionnelle redoutable, un goût d'inachevé plane sur Le Voyage d'Arlo. Tout y est inégal : les décors grandioses contrastent avec la simplicité des personnages, le fascinant postulat de départ se transforme en un voyage initiatique convenu. Le Voyage d'Arlo reste au final un beau divertissement familial mais ne peut prétendre à l'excellence Pixar.