Il aura fallu patienter près de 54 ans pour revoir la fantastique Mary Poppins à l’écran. Il est vrai que donner une suite à l’un des plus grands chefs d’œuvre de Walt Disney représentait un défi certain : honorées de cinq Oscars, saluées par toute l’industrie du cinéma de l’époque, les aventures de la plus célèbre des nounous résonnent dans l’imaginaire enfantin de chacun. Mais l’attente en valait la peine ! Le Retour de Mary Poppins est une ode au charme du premier film, sublimé par des numéros musicaux sensationnels et des acteurs merveilleux.

 

 

L’histoire reprend après une ellipse temporelle de quelques années, dans le Londres de la Grande Dépression. Jane et Michael Banks ont bien grandi, ce dernier ayant eu trois enfants à son tour qu’il élève seul depuis le décès de sa femme. Mais les temps sont moroses, et la famille Banks risque de perdre la demeure familiale. Grâce à ses compétences uniques, et avec l'aide de son ami Jack, l’allumeur de réverbères, Mary Poppins va aider la famille à retrouver la joie et l'émerveillement qu'elle a perdu. Le film s’inspire directement du second roman écrit par Pamela Lyndon Travers, Mary Poppins Comes Back, et replace par la même occasion l’action dans les années 30, conformément aux écrits. Si le scénario demeure dans sa grande majorité original, il pioche néanmoins quelques idées et personnages dans le roman comme La Dame aux Ballons ou la scène avec la porcelaine. La trame du récit reste donc globalement la même : Mary Poppins vient à nouveau sauver la famille Banks, du moins le père de famille. Le ton demeure identique, le film traitant de sujets sérieux comme le deuil ou les dettes financières, tout en insufflant un vent de magie et d’optimisme. On regrettera seulement une construction narrative un peu trop parallèle à celle du premier film. Le réalisateur Rob Marshall livre ici un profond et sincère hommage à Mary Poppins regorgeant de clins d’œil et de référence au chef d’œuvre de 1964. Ce nouvel opus, bien que modernisé dans ses effets visuels et sa photographie, est délicieusement vintage. On retrouve avec un plaisir certain les lieux et décors de Mary Poppins, certes modernisés mais ayant gardé un charme fou. Il se dégage alors de l’ensemble un sentiment de nostalgie et de bienveillance qui rendra le sourire à chacun.

 

 

Le casting du Retour de Mary Poppins est parfait en tous points. Quelle pression sur les épaules de la pourtant confirmée Emily Blunt (Le Diable s’Habille en Prada) ! La jeune actrice ne souffre pas de l’ombre de l’icône Julie Andrews et saura impressionner les plus sceptiques dès son apparition à l’écran. Alliant douceur et classe, Emily Blunt épouse parfaitement le rôle de la nourrice anglaise et survole les numéros musicaux d’une facilité déconcertante. Lin-Manuel Miranda est également parfait pour le nouveau rôle masculin principal : Jack, le falotier. S’il demeure peu connu du grand public, il s’agit d’un comédien confirmé et respecté, notamment pour sa participation au musical de Broadway Hamilton. Et cela se voit : débordant de fraicheur, Lin-Manuel livre une prestation parfaite. Michael et Jane Banks ont grandi et se sont assagis. C’est Ben Whishaw (Skyfall) qui a la charge d’incarner le père de famille dépassé par ses dettes, tandis qu'Emily Mortimer (Shuter Island) devient, comme sa mère, activiste pour les droits sociaux. Les deux acteurs sont particulièrement touchants et investis dans leurs rôles respectifs. Les trois enfants Banks, John, Anabel et Georgie (joués respectivement par Nathanael Saleh, Pixie Davies et Joel Dawson) sont tout à fait remarquables pour leurs jeunes âges. On notera également les apparitions remarquées de trois ténors du cinéma : la délicieuse Merryl Streep (Mamma Mia !) qui ne boude pas son plaisir à incarner la drolissime Topsy, le très sérieux Colin Firth (Bridget Jones) alias William Weatherall Wilkins, le banquier vénal et enfin la légendaire Angela Lansbury (La Belle et la Bête) en improbable dame aux ballons.

 

 

Que serait une suite à Mary Poppins sans les numéros musicaux qui ont fait sa légende ? Le Retour de Mary Poppins est donc une comédie musicale ! Les séquences musicales dignes de Broadway sont d’excellentes factures, aux chorégraphies et visuels soignés. Le livret proposé par le compositeur Marc Shaiman et le parolier Scott Wittman regorge d’excellents titres qui épousent parfaitement le récit. On retiendra en particulier « The Place Where Lost Things Go » et la meilleure séquence musicale du film « Trip a Little Light Fantastic » à la scénographie impeccable.

 

 

Enfin ce retour n’aura pas été parfait s’il n’y avait pas eu de séquence animée. Il est vrai que Mary Poppins premier du nom tire sa légende de la cultissime séquence de « Supercalifragilisticexpialidocious ». C’est avec des étoiles plein les yeux que le public retrouve de l’animation traditionnelle au cinéma avec une scène d’une technicité impeccable livrée par les Duncan Studio, fondé par un ancien animateur des Walt Disney Animation Studios.

 

Le Retour de Mary Poppins est une sensationnelle bouffée d'air frais ! Vibrant hommage au premier opus, et malgré plus de 50 ans d’écart, le film perpétue la légende. Le casting exceptionnel, les chansons entrainantes, l’histoire touchante, la photographie impeccable et la scène d’animation mythique font du Retour de Mary Poppin une pure réussite au charme fou. On fonce au cinéma retrouver son âme d’enfant, on s’envole, et hop !


 

Quelques jours avant la sortie du film, le réalisateur Rob Marshall, le producteur John DeLuca et les acteurs Emily Blunt (Mary Poppins) et Lin-Manuel Miranda (Jack) se sont donnés rendez-vous dans la Ville Lumière pour présenter Le Retour de Mary Poppins à la presse. Retour sur cette rencontre évènement.

 

 

Presse : Comment avez-vous appréhendé l’idée de réaliser une suite au film emblématique qu’est Mary Poppins ?

Rob Marshall : C’était intimidant évidemment ! Mais en même temps, j’avais le sentiment que j’étais la bonne personne pour faire ce job. J’étais tellement fan du premier film… Quoiqu’il en soit, ce film signifie énormément pour beaucoup de gens, notamment pour l’équipe ayant travaillé sur ce nouveau film. Mon objectif était de rendre hommage à Mary Poppins et m’assurer que l’esprit dans ce nouveau film était conservé, celui d’un film musical. Un vrai numéro d’équilibriste. Je pense que c’est venu directement du cœur, pour chacun d’entre nous.

 

Presse : Nous avons des numéros musicaux de jazz et de swing dans le film. Était-ce particulier pour vous, Emily Blunt, de chanter du jazz ?

Emily Blunt : C’est très excitant de chanter les chansons dans ce film. Les compositeurs ont voulu rendre hommage au film original, en essayant de protéger son authenticité. Il s’agit d’un nouveau chapitre qui devait faire honneur au premier opus. Et pourtant musicalement, ils ont ouvert un espace de création incroyable pour eux-mêmes et pour nous, ce qui a rendu la chose terriblement excitante, mais terriblement dure à interpréter aussi. Très certainement, ces grands numéros dans le film ont un impact important en terme de présence orchestrale, ce qui fait qu’on en devient ravis de pouvoir les chanter et les danser. Donc oui, j’ai adoré ça.

 

Presse : Et pour rebondir sur ces déclarations, il s’est avéré que les chansons ont été développées en fonction de chacun d’entre vous.

Emily Blunt : Tout à fait, les chansons ont été taillées comme des costumes sur mesure durant la période où nous les avons travaillées. Certaines chansons ne ressemblent plus à leurs versions originelles d’ailleurs, avec parfois trois ou quatre versions différentes. Une des chansons de Lin a eu sept versions aussi. Il faut vraiment attendre avant de voir que ce que vous tenez est parfait, pour tout le monde, pour celles et ceux qui les ont écrites et composées.

Lin-Manuel Miranda : C’est forcément exaltant de travailler sur un film musical original, rare au cinéma. Et cela nécessite un processus créatif. Et nous avons énormément travaillé sur les chansons depuis que l’on a été inclus dans le projet. Nous avons testé beaucoup de chansons différentes, jusqu’à obtenir l’accord parfait.

John DeLuca : Et nous avons rapidement pu déterminer qui allait chanter quoi suivant le scénario, nous permettant de personnaliser certains éléments pour les acteurs. Nous avions un atelier de travail pour le scénario et Emily et Lin en faisaient partie, puis nous avons eu deux mois de répétition. Pour Rob et moi, il était primordial que chacun s’implique dans le processus créatif, unis comme une famille.

 

 

Presse : Emily Blunt, quelle a été votre préparation pour interpréter Mary Poppins ? Qu’avez-vous gardé du personnage ?

Emily Blunt : J’ai conservé l’un de ses parapluies. Je ne vais pas dire que je l’ai volé mais probablement, je vais l’obtenir auprès du chef accessoiriste. Nous avons un script sensationnel de David McGee, qui a créé une histoire à la fois complexe et magique, très excitant à incarner en tant qu’acteur. J’étais ravie de jouer ce personnage qui est assez contradictoire, à la fois stricte et fantastique, un personnage parfaitement encré dans la réalité mais qui peut voler avec énormément d’humanité. Je pense avoir trouvé l’excentricité que Rob et moi voulions saisir chez elle et qui est très présente dans les livres.

 

Presse : Lin-Manuel, il s’agit pour vous de votre première expérience cinématographique alors que vous êtes un comédien de théâtre et de musical accompli. Qu’avez-vous ressenti par rapport aux planches ?

Lin-Manuel Miranda : Ce n’est pas si différent de la scène à vrai dire. A la différence que vous devez attendre un an et demi pour les applaudissements ! C’était la grande différence pour moi. Mais honnêtement, Rob et John viennent de la scène et nous avons pu avoir une préparation adéquate durant deux mois de répétition, on formait une compagnie comme au théâtre. Egalement, nous construisons un spectacle musical totalement inédit, et participer à tout ce processus était une joie énorme.

 

Presse : La scène avec les allumeurs de réverbères est formidable avec des danseurs qui se révèlent d’authentiques gymnastes. Comment les avez-vous entrainés ?

Rob Marshall : Cette séquence était un rêve pour John et moi. J’espérais une séquence phare de huit minutes mettant en scène évidemment les danseurs mais aussi Mary et les enfants. Mais c’est aussi un numéro très viril, très masculin. Je suis très fier de cette scène. C’était important pour moi de trouver des danseurs avec de bonnes personnalités, les bonnes sensibilités, quelque-chose de spécial. Une troupe guidée par Lin-Manuel qui regroupe à lui seul toutes ces qualités. J’adore travailler avec des acteurs qui savent aussi chanter et danser.

John DeLuca : Nous avons recruté des performeurs avec certaines capacités en gymnastique. Nous avons fait une audition spéciale pour des cyclistes cascadeurs.

Rob Marshall : Ces gars, cascadeurs, n’avais jamais participé à des scènes musicales auparavant.

Emily Blunt : C’était très amusant de voir Rob et John diriger les coureurs de BMX. Vous aviez cinq des meilleurs coureurs de BMX du pays et vous avez topé « 3, 2, 1 » comme s’ils n’avaient jamais fait ça de leur vie !

 

Presse : Comment donner un nouveau souffle à un classique pour intéresser la nouvelle génération, tout en conservant la nostalgie pour les fans du premier opus ?

Rob Marshall : C’était un travail d’équilibriste ! Avec un profond respect, je tenais à rendre hommage au premier film qui était parfait et dans un même temps, je souhaitais créer une nouvelle histoire. Nous avons donc opté pour créer notre propre épisode, comme dans les livres, sans lien entre chaque aventure. Nous avons pu utiliser des parties de décors, des notes musicales et certains personnages mais tout le reste est inédit. Nous nous sommes replongé dans les livres pour puiser notre inspiration. Ils ont été écrits durant le Grande Dépression à Londres, c’était un élément clef pour nous. Et je pense que recadrer le récit à cette période semblait très actuel, nous pouvons tous comprendre la noirceur de cette époque. J’étais motivé à l’idée de créer quelque-chose de nouveau tout en distillant quelques éléments phares du premier film afin de lui rendre hommage.

John DeLuca : Ces petits « Easter Eggs » rendent le film encore plus amusant et incitent à le revoir plusieurs fois. Notre monde devient de plus en plus sombre et cynique, nous avions envie de livrer un film « antidote ». Voir le ciel gris et terne s’ouvrir pour faire apparaitre Mary Poppins dans la lumière était très métaphorique. C’est le bon moment pour faire ce film. On ne pouvait faire confiance qu’à Rob Marshall pour réaliser une suite à Mary Poppins. J’ai pu être là chaque jour sur le tournage, il a abordé cette création avec respect et délicatesse. C’est un vrai artiste.

 

 

Presse : Emily ce rôle semblait fait pour vous. Comment avez-vous réagit en apprenant que vous étiez la nouvelle Mary Poppins ?

Emily Blunt : J’ai conscience de la réputation du personnage rendu célèbre par Julie Andrews. J’ai senti le poids de cette responsabilité. Je l’ai abordé avec de l’élégance, de la profondeur, du cœur. Je savais qu’il fallait proposer une version 2018 de Mary Poppins. Comme me disait Rob, laisse-toi aller. Vous pensez forcément à votre enfance quand surgit Mary Poppins. Vous vous devez d’honorer cet héritage.

 

Presse : Il y a 50 ans, Julie Andrews et Dick van Dyke sont devenu des icônes de Disney, pour toute une génération. Serez-vous des icônes pour la nouvelle génération ?

Lin-Manuel Miranda : Je suis vraiment flippé à l’idée de devenir une poupée Barbie ! [rires] Quand tout ça est devenu une réalité pour moi, ils m’ont montré la version de Jack, l’allumeur de réverbères en poupée.

Emily Blunt : Poupée ?

Lin-Manuel Miranda : Oui, c’est la gamme Barbie ! Et c’était vraiment surréaliste mais je pense que ce qui m’a préparé à ça, c’était d’amener tous les jours à mon fils un numéro chanté du film.

Emily Blunt : Le mot « iconique » est tellement écrasant, je trouve ! Je comprends évidemment la façon dont le film peut envoûter les enfants impatients de le voir. Mary Poppins est un personnage qui arrive à nous transporter. C’est une sorte de super-héros, digne de Marvel !

 

Presse : Vous dites que vous faites référence au film de 1964. On connait son succès et celui de ses chansons cultes. Pourquoi ne pas avoir réutilisé ces standards comme on l’a vu avec d’autres « remake » ?

John DeLuca : Nous avions accès à l’ensemble du répertoire mais nous tenions à écrire un nouveau musical. Nous voulions amener l’idée que Mary Poppins fait partie d’un tout, voilà pourquoi nous avons réutilisé certains morceaux comme « Nourrir les p’tits oiseaux ». Nous voulions quelque-chose d’émouvant, mais parsemé ici et là. Mais nous devions trouver le moyen de nous faire notre propre chemin avec un nouveau scénario et de nouvelles chansons.

Lin-Manuel Miranda : Si vous écoutez la bande-originale du film, Marc Shaiman a glissé plusieurs « Easter Eggs » de la partition du film original à des moments cruciaux. Et j’en retrouve de nouveaux à chaque fois que je la réécoute.

Rob Marshall : Il est important de rappeler que les chansons du premier film l’ont servis si brillamment. Nous ne voulions pas ressasser cela ; comme John l’a dit, nous voulions trouver notre propre chemin, sans faire d’abus.

 

Presse : L’industrie cinématographique américaine est dominée par les films de super-héros, les blockbusters. Est-ce que Mary Poppins est quelque-part un peu une exception culturelle ou est-elle aussi une super-héroïne ?

Rob Marshall : Et bien, ce que j’apprécie du personnage, c’est qu’elle est mystérieuse ; nous ne savons rien. Elle est énigmatique. Qui est cette personne ? Est-elle une super-héroïne ? Est-elle réelle ou non ?

Emily Blunt : Elle est si mystérieuse, énigmatique ! Vous savez tout des super-héros, qui aiment aussi s’accaparer le crédit de leurs actes super-héroïques. J’aime justement que Mary Poppins ne le fasse pas. Elle n’en prend aucun crédit personnel, elle s’attache à guider les Banks vers un nouveau point de vue sans livrer la solution directement.

 

Presse : Quelle a été la participation Dick Van Dyke au film ?

Lin-Manuel Miranda : Dick Van Dyke a plus d’énergie à 92 ans que j’en aurai de toute ma vie… Les deux jours que nous avons passé avec lui sur le tournage étaient sans doute les plus magiques parce qu’il y a une connexion avec le premier film. Il complète un arc narratif issu du premier film sans donner de détails. Il est… magique !

Rob Marshall : De mon point de vue personnel, c’est un rêve d’enfant qui s’est réalisé. C’était mon héros. L’avoir sur le plateau, ce fut tellement surréaliste pour tout le monde. Rejouer le même vieux banquier qu’il avait incarné dans le premier film 54 ans plus tôt. Il a attrapé ma main quand nous marchions sur le plateau et m’a dit qu’il ressentait exactement la même chose qu’avant et cela signifiait beaucoup pour moi. Vous savez, il récite un magnifique monologue dans Le Retour de Mary Poppins aux enfants. Et la musique de « Nourrir les p’tits oiseaux » l’accompagne de manière très stratégique à ce moment-précis. Il incarne vraiment le message de ce film.