La Marche de l'Empereur avait bouleversé des millions de spectateurs raflant au passage un César et un Oscar. Douze ans après, le réalisateur de documentaires animaliers Luc Jacquet foule à nouveau la banquise pour conter le périple de ces manchots si particuliers avec L'Empereur.

 

 

Parti lors de l'expédition « Antarctica », menée avec Wild-Touch et Paprika films, Luc Jacquet a observé les manchots empereurs comme jamais durant ces semaines passées sur la banquise, immergé au coeur de la colonie. Au printemps 2015 lors du tournage, les conditions météo en Antarctique étaient très différentes l’époque de La Marche de l'Empereur, permettant à L'Empereur de se distinguer de son ainé. En outre, le documentaire s'attarde davantage sur les jeunes empereurs. À travers le regard et les souvenirs de son aîné, un jeune manchot se prépare à vivre son premier voyage… Répondant par instinct au mystérieux appel qui l’incite à rejoindre l’océan, on découvre les incroyables épreuves que devra à son tour traverser ce petit empereur pour accomplir son destin et assurer sa survie et celle de son espèce. Les paysages éphémères de l’Antarctique se remplacent tandis que le petit manchot se rapproche des profondeurs de l'océan jusqu’alors inexplorés.

 

 

Les techniques de prises de vue ont énormément évolué depuis la sortie de La Marche de l'Empereur il y a douze ans. Pour L'Empereur, Luc Jacquet a pu tourner en numérique 4K, offrant une qualité d’image inégalée. L'utilisation de drones lui ont permis également de tourner des séquences à couper le souffle révélant l’Antarctique dans toute sa majesté, mais aussi la partie immergée de la banquise grâce à des plongeurs spécialisés. Cette prouesse technique est l'atout majeur du film. L’équipe de plongeurs menée par Laurent Ballesta (biologiste naturaliste marin, spécialiste mondial de la photographie sous-marine) a réalisé une première mondiale en faisant une série de plongées profondes jusqu’à 70 mètres dans l’océan antarctique à -1,8°C. Ils ont ainsi ramené des images spectaculaires permettant au spectateur de découvrir une facette de l’empereur totalement méconnue : sa vie sous-marine. Le contraste entre le bleu rassurant de l'océan et le blanc glacial de la manchotière est alors saisissant.

 

 

L'histoire de l'Empereur est racontée par Lambert Wilson. L'acteur accompagne les aventures des manchots avec son élégance habituelle. Après La Glace et le Ciel en 2015, Cyrille Aufort retrouve Luc Jacquet pour une nouvelle collaboration musicale. Le travail du compositeur a vraiment été de retranscrire en musique l’image et les sensations que Luc Jacquet avait de l’Antarctique et des empereurs. Cyrille Aufort alterne donc les séquences joyeuses rythmées et les mélodies plus sobres et magistrales affirmant la dureté du climat austral.

 

Luc Jacquet est en harmonie avec les empereurs et conte leur histoire comme personne. L'Empereur est une prouesse visuelle apportant au spectateur des prises de vues encore inédites, justifiant à elles seules ce nouvel opus. Découvrez le cycle de la vie de ces animaux si particuliers, de leur naissance en plein hiver australe, jusqu'à leur premier plongeon dans la grande bleu quelques mois après.

 

 

A l'occasion de la sortie dans les salles de cinéma de L'Empereur, le nouveau documentaire Disneynature, nous avons rencontré son réalisateur Luc Jacquet et son narrateur Lambert Wilson. Voici le compte rendu de cette entrevue très enrichissante.

 

 

Presse : Douze années ont passées depuis le tournage de La Marche de l'Empereur. L'Antarctique a t'il changé depuis ? Comment imaginez-vous l'avenir de ce continent ?

Luc Jacquet : Il y a effectivement un changement attesté par les scientifiques. Le réchauffement climatique bouleverse cette région. On a enregistré par exemple +20°C par rapport aux normes saisonnières avant hier. L’Antarctique a été longtemps considéré comme un lieu à l’abri, il se trouve que les études récentes prouvent le contraire. L'Empereur est extrêmement lié au cycle de la nature comme on peut le voir dans le film. Il lui faut cet optimum. On a eu énormément de chance l'année dernière lors du tournage d'avoir une colonie en bonne conditions avec des poussins en bonne santé. Cette année et les deux qui ont précédé l'expédition étaient catastrophiques avec une surmortalité de cette espèce qui risque de disparaître d'ici 50 ans. Sa disparition impacterait tout un écosystème puisque l'Empereur se trouve au sommet de sa chaîne alimentaire. En voyant le film, je souhaiterais que les spectateurs s’attardent sur les paysages magnifiques, apprécient cet endroit précieux comme symbole de la lutte pour la vie.

 

Presse : Pourquoi tourner un nouveau film sur les empereurs ?

Luc Jacquet : On peut comparer cela à ces réalisateurs qui sont obsédés par un acteur ou actrice fétiche. Cette espèce me fascine. Il y a quelque chose que j’essaie de saisir et qui m'échappe encore. J''ai ressenti une certaine frustration à la fin du tournage de La Marche de l'Empereur de n'avoir pu les suivre dans leur vie sous-marine. Là j'avais les hommes et la technologie pour le faire. C'était également un défi personnel de racontée un destin, mettre en avant un individu parmi cette foule d'empereurs qui se ressemblent tous. On peut filmer l'empereur comme un acteur !

 

Presse : Comment avez-vous fait pour dissocier les héros du film parmi leurs nombreux congénères ?

Luc Jacquet : C'est au moment de la prise de vue avec la caméra qui se focalise sur un animal en laissant hors champs les autres. Puis suit tout le travail de montage.

 

Presse : Quelle a été l'implication du compositeur Cyrille Aufort sur ce film ?

Luc Jacquet : Cyrille est un vieux complice qui a la capacité à traduire mes émotions et de se mettre au service du film sans ego.

 

Presse : Comment les empereurs se comportent-ils vis à vis de la caméra ?

Luc Jacquet : On conserve toujours une distance de sécurité car les empereurs ont tendance à reculer si vous avancez trop prêt. Avec ma caméra j'ai attendu huit jours que les poussins se jettent à l'eau. J'avais fini par me fondre dans leur paysage et les petits ont élu domicile sous ma caméra si bien que je ne pouvais plus tourner !

 

Presse : Comment expliquer aux enfants qu'on ne peut adopter un empereur ?

Luc Jacquet : Le manchot empereur est un animal très fragile et vie avec une température optimale à -20°C, il faudrait donc un grand congélateur chez soi pour l'accueillir ! C'est également un animal aquatique qui adore nager. Troisième point, il adore manger, et spécifiquement des poissons que l'on ne trouve qu'en Antarctique. Enfin il s'agit d'animaux sauvages, tellement plus beaux dans leur milieu naturel.

 

Presse : Comment se scénarise ce genre de documentaire ? Décidez-vous à l'avance l'histoire que vous allez raconter ?

 Luc Jacquet : Très objectivement l'histoire je la connaissais déjà par cœur car le cycle des manchots empereurs est toujours le même. L'enjeu était de trouver un angle qui permette de les suivre. Lorsque l'on regarde les rushs on voit toujours des petits détails qui nous ont échappés lors du tournage, des instants imprévus plus magiques que les autres. J'aime aller chercher ces moments où l'image devient transcendante. Il s'agit également de ramener par la voix du narrateur les éléments nécessaires à la compréhension de l'histoire. C'est un défi de faire passer suffisamment d'informations par le jeu de l'acteur sans étouffer le spectateur.

 

Presse : A propos de la narration, comment Lambert Wilson avez-vous été impliqué dans ce projet ?

Lambert Wilson : Je suis arrivé alors que le film était déjà monté avec un texte préparé. Les metteurs en scènes qui tournent ce genre de film pendant de nombreux mois ont une attente très particulière. On doit être le vecteur de leur émotion, du concept qu'ils ont imaginé. Cela nécessite une direction d'acteur très précise pour que le réalisateur retrouve son rêve et retranscrive ce qu'il a vécu, souvent dans la solitude. Luc est particulièrement exigeant et précis dans ses indications sur la musicalité de la voix. La matière est assez réduite et il ne faut pas se tromper dans la manière dont on colorise ce matériel. C'est comme une musique de film.

Luc Jacquet : C'est exactement ça. Contrairement à la fiction, tout le travail avec l'acteur arrive à posteriori alors que les images sont déjà tournées. La chance de travailler avec des artistes talentueux c'est aussi d'adapter sa vision ancienne à sa proposition et se dire « je l'avais imaginé comme ça, mais finalement son intention est meilleure ». Ce dialogue qui s'instaure avec le narrateur est génial et c'est ce que j'attends de cette collaboration.

 

Presse : Lambert Wilson vous semblez très attaché à la nature, partir en expédition comme Luc vous tenterait-il ?

 Lambert Wilson : Je suis déjà parti en Antarctique pour le tournage du film L'Odyssée. C'est très particulier. Je n'ai pas une formation de biologiste mais je peux être témoin de ce qu'il se passe là-bas et tenter de faire bouger les choses. Ça été une rencontre extraordinaire avec un continent bouleversant, c'est le plus beau voyage que j'ai fait de ma vie. A une époque où l'Homme détruit tout, on est émis d'être sur un territoire vierge de sa présence.

 

Disney Next : C'est le deuxième film que vous réalisez sur l'Empereur, avez-vous encore d'autres histoires à raconter sur cette espèce ou envisagez-vous d'autres documentaires sur d'autres territoires comme l'Arctique par exemple ?

Luc Jacquet : J'ai attendu douze ans pour parler à nouveau des empereurs au cinéma mais j'ai encore évidemment plein d'autres histoires à raconter. Après ma passion reste les empereurs. J'ai un métier fabuleux qui me permet de faire ce que j'aime entre documentaires et films de fiction. Mais j'ai un plaidoyer permanent pour la sauvegarde de cette biodiversité et cette région. L'Arctique est un territoire plus compliqué à filmé car habité, plus culturel et nécessite de nombreuses autorisations.