Parmi la multitude des adaptations en films « live » des grands classiques de l’écurie Disney, le remake des célèbres aventures de Winnie l’Ourson apparait comme une œuvre à part à plusieurs titres. Plus qu’un remake, il s’agit surtout d’une suite en prises de vues réelles des aventures de Jean-Christophe et ses amis de la Forêt des Rêves Bleus. Si l’on salue la prise de risque, le résultat demeure bancal.

 

 

Le propos s’apparente ainsi davantage à une suite qu’à un véritable remake. En effet, le film transpose Jean-Christophe à l’âge adulte, surmené dans un travail où il demeure peu épanoui. Délaissant sa femme et sa fille, et il a presque oublié son enfance idyllique passée avec un ours en peluche simple d'esprit adorateur de miel. Mais lorsque le destin le réunit de nouveau avec son vieil ami Winnie l'Ourson, une étincelle est rallumée, et il se souvient des journées sans fin d'émerveillement qui ont défini sa jeunesse. Suite à une mésaventure malheureuse avec la mallette de travail de Jean-Christophe, Winnie et le reste de la bande quittent la Forêt des Rêves Bleus pour se retrouver à Londres...

 

 

Adapter les aventures de Winnie en prises de vues réelles relevait d’un défi indéniable, puisque l’œuvre littéraire de Milne et les divers films d’animation ou produits dérivés sont destinés aux enfants d’âge pré-scolaire, alors que les films « live » visent davantage un public adulte. La proposition du réalisateur Marc Foster s’en ressent, si bien que Jean-Christophe et Winnie cherche constamment son ton et peine à définir sa cible. En effet, les enfants seront probablement peu réceptifs aux enjeux de l’histoire et à l’aspect esthétique du film aux couleurs volontairement délavées. Ils seront néanmoins sensibles aux personnages cultes, et à l’humour. A contrario, un public plus mature aura des réserves face à un manque d’ambition scénaristique et des protagonistes certes charismatiques mais dont l’écriture est réservée aux plus petits. Le premier acte souffre d’un manque de rythme que l’on aurait pu aisément pardonner à une aventure animée de Winnie mais qu’il est difficile d’apprécier dans un film live. Le propos devient plus dynamique et intéressant dans la seconde partie du film, lorsque nos héros débarquent à Londres. Un vrai changement d’univers savoureux mais malheureusement beaucoup trop court !

 

Passés ces défauts d’équilibre, le film reste un hommage charmant à la carrière de la plus célèbre des peluches et l’on sort de la séance avec une nostalgie certaine. Comme un écho aux propos du film, les souvenirs de notre propre enfance émergent avec émotion à retrouver les héros de notre enfance «en chair et en os ». En outre le film regorge de clins d’œil à la carrière de Winnie l’Ourson, reprenant quelques scènes ou chansons cultes des productions animées.

 

 

Le casting est par ailleurs irréprochable. Ewan McGregor (Star Wars) campe un Jean-Christophe devenu adulte, dont les dilemmes et incertitudes sauront toucher le spectateur. Sa femme Evelyn est interprétée par la charmante Hayley Atwell (Captain America). Parfaite dans le rôle de femme au foyer délaissée, la tendresse et la patience du personnage sont bien transposées. Bronte Carmichael propose une performance convaincante pour le rôle de Madeleine, la fille du couple. Indéniablement, le spectateur (petit ou grand) appréciera retrouver les personnages iconiques de la Forêt des Rêves Bleus. Winnie, Tigrou, Bourriquet, Porcinet, Coco Lapin… ils sont tous de retour ! S’ils gardent leurs personnalités si attachantes, les protagonistes, recrées en images de synthèses, arborent un look à la fois réaliste mais proche de leurs anciennes versions animées. La plupart ont d’ailleurs conservé leurs voix officielles pour le doublage français, un réel bonheur !

 

 

La musique s’adapte au nouvel univers visuel du film : à la fois mélancolique et tendre. La partition de Geoff Zanelli et Jon Brion s’attache à raviver les souvenirs du spectateur, en reprenant avec parcimonie les notes et refrains des chansons des anciennes productions devenues cultes. Cerise sur le gâteau, les rares nouvelles chansons ont été composées par Richard Sherman, déjà à l’œuvre en 1966 pour la première production de Winnie l’Ourson, avec un savoureux caméo à la fin du film. Enfin, on soulignera le parti pris esthétique, volontairement délavé et mélancolique. S’il demeure perturbant au premier abord (à l’opposé des couleurs chatoyantes des dessins animés), le rendu visuel est cohérent avec l’intrigue prenant place dans le Londres de l’après-guerre. Le spectateur adulte sera sans doute réceptif à ce parti pris visuel que les jeunes enfants auront du mal à apprécier tant il s’éloigne des standards des productions actuelles.

 

Jean-Christophe et Winnie est un film de peu de prétention, associant efficacement mélancolie et tendresse. S’il déborde de nostalgie et de bons sentiments, le propos peine à trouver sa cible, souffrant de vouloir s’adresser à la fois à un public adulte qui reprochera un scénario peu élaboré, et des enfants peu réceptifs à l’esthétique délavée. Le défi était néanmoins de taille et l’œuvre proposée demeure de qualité pour passer un agréable moment en famille.