Les adaptations sur grand écran des grands succès de Broadway sont devenues légions à Hollywood depuis quelques années. Associé au récent regain de popularité des contes de fées au cinéma, il n'est pas étonnant de voir l'adaptation d'Into The Woods débarquer dans les salles obscures. Voir Disney s'atteler à cette production est cependant assez étonnant : bien qu'il s'agisse de contes de fées, la réputation du musical d'origine reste assez sulfureuse. Disney a t-il su garder l'essence et l'atmosphère si atypique de ce musical parmi les plus célèbres de l'histoire de Braodway ? Après cette première projection, il est évident que le contrat est rempli !

 

 

Avec 765 levers de rideaux lors de sa première présentation à Broadway du 5 novembre 1987 au 3 septembre 1989, Into The Woods a durablement marqué son époque, se révélant l’un des musicals les plus remarquables de la fin du siècle dernier, mais aussi l’un des plus grands succès populaires du compositeur et parolier Stephen Sondheim, associé au librettiste James Lapine. Into The Woods enchevêtre les destins de célèbres personnages de contes (Cendrillon, Raiponce, Jack et le Haricot Magique et Le Petit Chaperon Rouge) avec une autre histoire liant le tout : celle d’un boulanger et de sa femme. À cause de son désir d’enfant et d'une ancienne malédiction, ce couple va déclencher un tel capharnaüm que la physionomie des contes va s’en trouver changée à jamais.

 

 

 

C'est toute la subtilité et l'intelligence d'Into The Woods : divisé en deux actes bien distincts, le propos suit la configuration standard des contes jusqu'à une deuxième partie beaucoup plus originale et noire, où tout se trouve remis en cause et où le « Ils vécurent heureux à jamais » n'a plus vraiment sa place. Complots, trahisons, individualisme... les personnalités des héros de notre enfance changent dans les bois. Si une adaptation par les studios Disney pouvait laisser craindre une aseptisation du récit, il n'en est rien et la quasi-totalité des éléments du livret original sont conservés, même les plus controversés. Le ton cynique et l'humour noir qui font le charme de l''œuvre originale n'ont heureusement pas été oubliés. Étonnamment, le premier acte est le plus abouti dans l'adaptation cinématographique. Son ouverture de 12 minutes sur « I Wish » dans laquelle les héros chantent leurs rêves et leurs espoirs est une prouesse. Le second acte, s'il est plus captivant sur le fond car plus original, est plus modeste dans sa forme et souffre de quelques longueurs.

 

Le casting d'Into The Woods : Promenons-nous dans les Bois, très hollywoodien, est exceptionnel. Les rôles titres du Boulanger et de sa femme ont été confiés aux très convaincants James Carden et Emily Blunt. Meryl Streep épouse avec perfection les traits de la sorcière qui aspire à retrouver sa beauté d'antan, et prouve une nouvelle fois que le genre du musical lui va à ravir. Anna Kendrick campe une Cendrillon touchante et volontaire, mais plus complexe et moins parfaite qu'à l'accoutumée. Son Prince est incarné avec brio par un Chris Pine très charismatique et dont le traitement s'éloigne de la vision lisse des autres adaptations. L'apparition de Johnny Depp sous les traits du loup  est malheureusement très courte. Tous interprètent les chansons du livret original avec talent et pourraient rivaliser sans soucis avec les acteurs de Braodway du premier levé de rideau.

 

 

Le livret de cette adaptation est identique à celui du musical à quelques détails près. Les connaisseurs seront donc ravis de redécouvrir les chansons devenues cultes au fil des années telles « I Wish » ou «No One is Alone ». Malheureusement, hormis ces deux titres phares, il est évident que le film manque de chansons qui captent l'attention. Ceci est d'autant plus vrai pour le public français qui, dans sa grande majorité, découvrira pour la première fois ces chansons dans leur siège au cinéma.  Il n'en demeure pas moins que leur qualité reste appréciable et leur interprétation de très bonne facture. Mention spéciale pour « Agony », la chanson des princes campés par Chris Pine et Billy Magnussen, parfaite de drôlerie.

 

Le film est réalisé par Rob Marshall, surtout connu pour avoir porté à l'écran un autre musical à succès : Chicago. Son travail sur Into The Woods : Promenons-nous dans les Bois est soigné et certains plans et séquences sont une vraie réussite, comme l'ouverture sur « I Wish ». Rob Marshall a collaboré avec James Lapine, l’auteur original de la comédie musicale. De telle manière, il est évident que l'intégrité et l’essence de l’œuvre ont été conservées tout en adaptant la réalisation à une production destinée au grand écran. Les effets spéciaux sont assez inégaux, allant du très bon au mauvais (l’apparition de la géante est risible...). L'atmosphère du bois lugubre et mystérieux est très bien transcrite et permet de plonger le spectateur dans cette ambiance noire si particulière qui a fait le succès du musical. Les autres décors (le village, le palais, la chaumière du boulanger) sont d'excellente facture et les costumes des personnages absolument divins (hormis celui du loup, assez cheap).

 

 

Into The Woods : Promenons-nous dans les Bois est une adaptation réussie. Jouissant d’un casting hollywoodien exceptionnel (Meryl Streep en tête), le spectateur est transporté dans un univers à la fois onirique et lugubre. Revisitant les contes de fées, l'histoire d'Into The Woods, très originale dans son deuxième acte, est surprenante. Personnages modernisés et non aseptisés s’entremêlent dans cette œuvre onirique et sarcastique. On regrettera quelques longueurs et un livret qui manque de tubes contrairement aux autres films du genre.