Chaque nouveau film de Tim Burton est un événement cinématographique, d’autant plus quand le réalisateur s’associe avec les studios Disney. Neuf ans après sa réinterprétation d’Alice au Pays des Merveilles, son milliard de dollars de recette, et la mode des remakes live-action des classiques Disney qu’il a lancé malgré lui, Tim Burton revient pour livrer sa version de Dumbo. Autrefois adoubé à Hollywood, Burton est pourtant attendu au tournant : ses dernières productions de la décennie passée (Dark Shadows, Big Eyes…) n’ont pas été de francs succès critiques et commerciaux ! A contrario, les remakes des films d’animation Disney accumulent les records aux Box-Office mais souffrent d’une prise de risque minimale, tant ils calquent régulièrement les œuvres dont ils s’inspirent. Quid de Dumbo version 2019 ?

 

 

 

C’est sur ce point que Dumbo s’illustre : cette relecture du classique animé de 1941 bénéficie d’une histoire tout à fait originale ! Contrairement à certains remakes comme La Belle et la Bête ou les futurs Aladdin et Le Roi Lion, Tim Burton ne copie pas l’histoire de l’opus original mais propose sa version inédite, tout en s’inspirant avec bienveillance d’éléments clés du chef d’œuvre animé. Si l’éléphanteau iconique reste au centre du récit, Burton étoffe le synopsis de nouveaux personnages et intrigues. Propriétaire d’un cirque en difficulté financière, Max Medici recrute l’ancienne vedette Holt Farrier et ses enfants Milly et Joe pour prendre soin d’un Dumbo devenu la risée du public avec ses oreilles disproportionnées. Des personnages atypiques chers au réalisateur, qui s’attache avec une émotion certaine à mettre une nouvelle fois en lumière les laissés pour compte et bêtes curieuses. Le film bénéficie alors d’un onirisme et d’une poésie dignes de l’âge d’or Burtonien. Un vrai retour en grâces pour Tim Burton dont les œuvres précédentes avaient peu convaincu.

 

 

 

Dumbo version Burton est un réel hommage 78 ans après le premier envol de l’éléphanteau au cinéma. Certains clins d’œil ou séquences satisferont pleinement les fans du chef d’œuvre animé comme l’ouverture du film sous les sirènes du Casey Jr ou encore cette reprise de la mythique scène de La Marche des Éléphants Roses. Ce Dumbo factice (mais au rendu visuel impeccable !) partage l’affiche avec des personnages secondaires bien humains et inédits, interprétés par un casting de haute voltige. L’ancienne vedette Holt Farrier meurtri par la guerre est incarnée par le charismatique Colin Farrell. Les deux enfants, Milly et Joe, sont interprétés par Nico Parker et Finley Hobbins, dont les débuts à l’écran restent perceptibles. L’atout féminin du film repose sur Eva Green qui n’hésitera pas à pousser à l’extrême son accent français pour donner vie à la voltigeuse Colette. Enfin soulignons la performance remarquable de deux illustres acteurs et fidèles des œuvres de Burton : Danny DeVito voit son rôle de Monsieur Loyal totalement réinventé tandis que Michael Keaton endosse le titre de méchant du film.

 

 

 

Dumbo brille par sa photographie très inspirée. Les couleurs chaudes et rassurantes du cirque Medici contrastent avec la froideur de l’impérieux Dreamland. Quelques détails graphiques typiques des œuvres Burtonniennes sauront rassurer les fans. Notons une nouvelle association avec le compositeur attitré des productions de Burton, le génial Danny Elfman qui livre une partition parfaitement onirique. Il est ainsi parvenu à distiller certaines illustres mélodies du film d’animation, dont une reprise toute en émotion du classique « Baby Mine ». Car c’est bien sur l’émotion que Burton a parié ses jetons de foire, le petit éléphanteau explosant de charme, de sympathie, et de cœur.

 

La réinterprétation de Dumbo par Tim Burton est un pari réussi, marquant un retour en grâce du réalisateur. Cette œuvre onirique rend parfaitement hommage au classique d’animation, tout en offrant un récit et des personnages inédits. Dumbo apporte un souffle nouveau et inespéré parmi les remakes peu inventifs de ces dernières années.

 

 

Il y a quelques jours, le réalisateur Tim Burton et l'actrice Eva Green (Colette Marchant) nous ont fait l'honneur de leur présence à Paris pour l'avant-première française de Dumbo. Avant la soirée de gala, ils se sont prêtés au jeu des questions des journalistes et blogueurs dans un prestigieux hôtel parisien.

 

 

Presse : En quoi le long-métrage d'animation Dumbo vous a t-il fait rêver et en quoi croyez-vous qu'il fasse rêver les nouvelles générations ?

Tim Burton : Pour moi le symbole de cet éléphant volant c'est d'abord une très belle métaphore de la façon dont on peut se sentir lorsque l'on est particulier, et c'est aussi pour moi une histoire plus personnelle. L'histoire d'un personnage un peu étrange, qui n'a pas l'air de vraiment rentrer dans le moule, que l'on a du mal à définir. Cela ressemble à un autre niveau à mon histoire personnelle avec Disney, une histoire longue et belle. Je me suis aussi servi de cette proximité avec mon expérience. Enfin, je célèbre comme toujours la beauté d'être différent et évidemment la beauté d'être accepté par les autres.

Eva Green : J'ai grandi avec Dumbo, j'ai peut-être vu ce dessin animé quand j'avais 4-5 ans et cette histoire m'a toujours beaucoup bouleversée. Cette histoire d'éléphanteau, de maman, cette séparation étaient très émotionnelle en tant qu'enfant. Evidemment il n'y a personne d'autre que Tim pour mettre en scène cette histoire car il comprend les incompris et il apporte toujours sa poésie et sa magie.

 

Presse : Eva, qu'est-ce qui vous a donné le plus de difficulté, vaincre votre peur du vide ou prendre un accent français à couper au couteau ?

Eva Green : La peur du vide, évidemment. J’ai même appris que cela s’appelait de l’acrophobie. Au départ j'ai pensé que je n’y arriverais jamais et c'est vraiment grâce à la patience et à la passion des acrobates qui m'ont appris à faire des choses dingues là-haut que j'ai réussi à vaincre ma peur du vide. Mais cela a demandé beaucoup de temps et de patience, et j'y suis arrivée.

 

Presse : Avez-vous lu le livre Dumbo the Flying Elephant d'Helen Aberson et quel source d'inspiration a t-il été pour l'écriture du scénario ?

Tim Burton : Non, pour moi ce qui m'intéressait c'était la beauté et la simplicité de cette image que véhiculent tous les anciens films Disney. J'aime cette façon de parler comme une fable. Ce qui est important pour moi c'est l'inspiration visuelle.

 

Presse : Pouvez-vous nous en dire plus sur le passé de Colette Marchant ? C'est une actrice française qui a réellement existé, est-ce un hommage ?

Eva Green : Honte à moi vous me l'apprenez, je ne savais pas du tout. Le personnage de Colette est typique des artistes de l'âge d'or d'Hollywood, dans le style très glamour du cinéma muet. Vandever joué par Michael Keaton l'a trouvée dans les rues de Paris et en a fait une superstar en la ramenant à Dreamland. Au début, c'est un bel oiseau en cage qui attend pour s'envoler.

 

Presse : Quelles scènes du film avez-vous préféré tourner ?

Tim Burton : C'est un film assez étrange à tourner parce qu'il y a ces décors extraordinaires, ces acteurs, ces équipes, mais il manque quand même le personnage principal. En tournant ce film je voulais à la fois le rendre différent de l'original mais en même temps en garder toute son émotion. L'idée n'était pas pour moi de faire un remake mais une exploration différente.

 

Presse : Tim, avez-vous des films de référence pour le travail de recherche qui a été réalisé autour du film ? Eva avez-vous fait quelques recherches sur le travail de Tim Burton avant de tourner le film ?

Tim Burton : J'aime infiniment tous les films et tout le cinéma donc je n'aime pas donner de réponse directe à des influences. Tous les films que j'ai vu dans mon enfance et dans ma vie m'ont inspiré. Dans le cas de Dumbo, je dois tout de même dire qu'il y a quelque chose dans la palette des couleurs et une certaine noirceur dans le film original qui m'ont inspiré.

Eva Green : Je connaissais déjà le cinéma de Tim (NDLR : Eva a joué dans Dark Shadows et Miss Peregrine et les Enfants Particuliers). Je ne vois pas de personnage qui soit ressemblant à Colette.

 

Presse : Tim, est-ce que vous avez choisi ce thème et ce film Dumbo par qu'il est un écho à ce qu'a pu être votre oeuvre, les différences des personnages ayant ce qui a composé vos films jusqu'à maintenant ?

Tim Burton : Il est vrai que pour moi la raison principale de mon attirance pour Dumbo c'est finalement une ressemblance extrême avec qui je suis. A un moment c'est la risée de tous, c'est un personnage bizarre mais en même temps si particulier et spécial. Je suis très proche de ce que représente Dumbo dans le sentiment qu'il éveille. C'est pour cela que je voulais faire ce film. J'aime aborder un sujet qui me parle, auquel je suis profondément et intimement attaché.

 

Presse : Tim, vos films sont connus pour leur univers mystérieux et sombre. D'un autre côté les films Disney sont connus pour leur magie, les contes de fées, les fins heureuses. Comment avez-vous réussi à combiner ces deux mondes qui semblent si différents ?

Tim Burton : C'est intéressant de voir comment les temps ont changé car les films Disney nous permettaient d'aborder en tant qu'enfant les thèmes de la mort, de la vie, de la tristesse, que l'on a du mal à comprendre à cet âge. Il y a eu Dumbo mais aussi Pinocchio. Finalement de quoi se souvient-on le plus souvent, des parties les plus effrayantes, les plus tristes, donc pour moi il n'y a finalement pas de différence entre les deux mondes.

 

 

Presse : Tim, était-il important d'inclure une dimension militante sur le fait que les animaux devraient vivre en liberté et non pas dans un cirque, ce qui n'était pas le cas dans le dessin animé original ?

Tim Burton : Bizarrement je n'ai jamais particulièrement aimé le cirque, je trouvais les clowns terrifiants ainsi que les bêtes sauvages maintenues en captivité. En même temps le cirque est cet endroit un peu étrange où se regroupent les artistes, les reclus, les marginaux. C'est ce qui m'attirait dans l'univers du cirque. Je suis néanmoins ravi qu'il y ait moins de bêtes sauvages en captivité dans les cirques. Dans mon film, on a utilisé des chiens et des chevaux mais pas d'animaux sauvages en captivité.

 

Presse : Eva, qu'avez-vous ressenti en retrant dans l'immense décor du cirque imaginé par Tim Burton ? En tant qu'actrice qu'elle a été la scène la plus forte à tourner ?

Eva Green : L'une des premières scènes que j'ai tournées est celle lorsque l'on est tous dans la voiture  pour entrer dans Dreamland. Il n'y avait pratiquement pas d'écran vert, ce qui est un luxe. On avait les attractions, les figurants, les acrobates et un groupe de jazz. C'était extraordinaire, on avait tous l'impression de revenir à l'âge d'or hollywoodien.

Tim Burton : Quand on arrivait sur le tournage il y avait partout autour des jongleurs, des lanceurs de couteaux. Eva a appris à être une grande trapéziste. Il y avait un environnement vraiment magique et de la passion dans l'air.

Eva Green : Une passion vraiment contagieuse. Je m'entraînais tous les jours dans une espèce de grande tente où les artistes vivent tous ensemble. C'est un peu "cucul" de le dire mais c'est vraiment une famille. Ils s'aiment et s'entraident. Les clowns vont aller aider les trapézistes par exemple. Et c'est particulièrement fascinant et impressionnant de les regarder.

 

Presse : Tim, vous avez développé autour de Dumbo beaucoup de personnages avec de grands acteurs dont Eva Green, Michael Keaton, Danny DeVito et Colin Farrell. Etait-il compliqué de trouver une place pour chacun en regard de leur histoire très riche ?

Tim Burton : L'univers que je crée est forcément un peu stylisé. Vous avez par exemple un éléphant qui est réel mais qui ne l'est pas vraiment et vous avez des acteurs qui doivent interférer avec lui. Ce que j'aime c'est avoir autour de moi des gens un peu bizarres qui vont être en osmose avec un animal un peu bizarre. J'ai eu beaucoup de chance car j'ai réuni une troupe de gens extraordinaires et un peu barrés. J'ai été heureux de retrouver Michael Keaton avec qui j'ai travaillé il y a de nombreuses années ainsi que Danny DeVito. Et avec Colin Farrell c'est comme si on se connaissait depuis toujours. J'aimais l'idée que tout ce monde constitue une famille un peu dysfonctionnelle et c'était très important pour le film lui-même. J'ai été ravis que tous ces fous aillent avec moi jusqu'au bout de ma propre vision.

 

Presse : Votre personnage Colette est très engagé et s'émancipe du contrôle d'un homme très toxique. Cette dimension engagée est-elle est critère pour le choix de vos rôles ?

Eva Green : Je ne choisis par un rôle en me disant qu'il faut que cela soit féministe mais évidemment j'aime les femmes fortes et non pas les femmes soumises. Des femmes qui ont un voyage comme Colette, un oiseau en cage qui va se rendre compte que sa vie est superficielle. Des femmes complexes, qui ont du courage, des femmes modernes.

 

Presse : Doit-on voir dans Dumbo le regret d'un réalisateur qui aurait aimé partager la vie itinérante et aventureuse des gens du spectacle ?

Tim Burton : Je n'ai pas de regret car lorsque l'on tourne un film on est en quelque sorte dans la même dynamique qu'un cirque avec ces fabuleux artistes autour de vous.

 

Presse : Tim, vous avez eu l'occasion de déclarer que Frankenstein vous réconfortait étant enfant. Qu'est-ce que ces êtres à part comme Frankenstein, Dumbo, Edouard ont de réconfortant et d'attachant dans cette beauté un peu à part ?

Tim Burton : On a tous une version différente de ce qui nous touche et nous interpelle. Aujourd'hui par exemple je me sens davantage Hoffman que Frankenstein. Je change de monstre au quotidien. Lorsque l'on s'identifie à ces personnages cela ne veut pas dire que vous êtes à même de vous consoler. En tout cas des images et des symboles comme Dumbo ont de l'importance par rapport à celà.

 

Presse : Quelle importance avez-vous donné au contexte de la Première Guerre Mondiale dans le film ? Le personnage de Colin Farrell en est la manifestation immédiate avec la perte de son bras.

Tim Burton : Je voulais vraiment présenter Dumbo comme une fable donc il n'était pas nécessaire de montrer directement la Guerre, en particulier comment Holt perd son bras ou sa femme. Lorsque l'on rencontre ces personnages on n'a pas besoin de voir littéralement ce qu'ils ont vécu et ce qu'ils ont souffert pour les comprendre. Ce n'est pas le point central. L'important est de donner ce contexte mais également de le présenter comme un écho. C'est un parallèle avec ce que vit et ressent Dumbo, à son propre parcours.

 

Presse : Eva, dit-on tout de suite "oui" lorsque Burton vous propose un film ? A quoi ressemble sa direction d'acteurs sur un tournage ?

Eva Green : Qui ne dirait pas oui ? On n'a même pas besoin de lire un script, on se dit toujours que cela va être un univers particulier, haut en couleurs, ou un rôle que l'on a jamais joué. Les rôles que Tim m'a offerts ont toujours été extrêmement divers. C'est une atmosphère qui est toujours très joyeuse sur son plateau, ce qui est rare surtout sur des grosses machines comme Dumbo. Il y a vraiment une atmosphère chaleureuse, Tim travaille souvent avec la même équipe, les mêmes assistants et producteurs, donc il n'y a pas de jugement et c'est un vrai plaisir.

 

A l'occasion de la sortie imminente de Dumbo dans les salles françaises, Disney France et la salle Eléphant Paname nous offrent une occasion exceptionnelle de rentrer dans l'univers du film avec l'exposition "Le Monde de Dumbo vu par Tim Burton".

 

Autour d'un hémicycle joliment mis en lumière et centré sur une réplique en taille réelle du plus célèbre des éléphants, croquis, costumes, décors et éléments interactifs des productions disneyennes de Burton les plus emblématiques s'offrent aux visiteurs. Les deux tiers de l'exposition sont évidemment consacrés à Dumbo, dont la pièce maîtresse est sans doute la somptueuse robe de gala de Colette portée par Eva Green. Mais une place appréciable est laissée aux plus anciennes productions du cinéaste : L'Etrange Noël de Monsieur Jack (1993), Alice au Pays des Merveilles (2010) et Frankenweenie (2012).

 

 

 

Si l'on regrettera la petite taille de l'exposition, on ne peut que féliciter l'initiative. Pouvoir observer des artéfacts ayant été utilisés lors de la production de films Disney est en effet un évènement rare en France. Et cerise sur le chapiteau, l'entrée est libre et complètement gratuite !

 

L'expérience "Le Monde de Dumbo vu par Tim Burton" se tiendra tous les jours de 10h à 20h à l'Eléphant Paname à Paris jusqu'à dimanche. Une parfaite petite sortie familiale en ce premier week-end du printemps.