Après le succès de l’adaptation d'Alice au Pays des Merveilles par Tim Burton en 2010, Disney a entrepris de proposer quasiment chaque année une nouvelle version de ses grands classiques en prises de vues réelles à l'image de Maléfique sorti l'année dernière. Une nouvelle adaptation couronnée de succès puisque le film porté par Angelina Jolie a récolté près de 800 millions de dollars de recettes dans le monde. Alors que les remakes du Livre de la Jungle et de La Belle et la Bête sont attendus pour 2016 et 2017, c'est une nouvelle vision de Cendrillon qui est proposée pour le printemps 2015. Un projet intrigant et risqué, le conte intemporel de Charles Perrault ayant déjà bénéficié de dizaines d'adaptations sur grand ou petit écran... dont la pièce maîtresse reste le chef-d’œuvre animé de Walt Disney sorti il y a 65 ans. Alors que Maléfique, Le Monde Fantastique d'Oz ou Alice au Pays des Merveilles offraient de nouvelles visions des contes dont ils s'inspirent, Cendrillon version 2015 n'est malheureusement qu'une relecture en film d'acteurs (certes un peu plus développée) du dessin animé de 1950.



L'histoire de Cendrillon reste très fidèle à l'originale : après la mort tragique de sa mère, le père marchand de la jeune Ella se remarie. Tenant à soutenir son cher père, elle accueille sa nouvelle belle-mère Lady Tremaine et ses deux filles Anastasie et Javotte dans la demeure familiale. Mais au décès brutal et inattendu de son père, Ella se retrouve à la merci d'une nouvelle famille jalouse et cruelle. Mais le destin de la belle pourrait bientôt changer lorsque le Palais envoie une invitation à toutes les jeunes filles à marier pour un bal donné par le Prince en quête de sa future épouse...

L’intérêt de cette nouvelle adaptation de Kenneth Branagh réside principalement dans les vingt premières minutes du récit qui développent l'enfance de Cendrillon auprès de ses parents, leur disparition et l'arrivée de Lady Tremaine et ses filles dans la demeure familiale. Passé cela, le film reste extrêmement fidèle au long-métrage animé. Certes quelques scènes inédites et quelques intrigues secondaires viendront étayer un peu le récit déjà connu de tous. Elles restent cependant anecdotiques, si bien que le spectateur a effectivement la sensation de regarder le dessin animé avec des acteurs en chair et en os. On aurait souhaité davantage de prise de risques, du suspens, un récit moins linéaire ou d'offrir une nouvelle vision à cette histoire déjà adaptée à foison. Car en soixante ans peu d'évolutions sont à signaler. Si Cendrillon reste un personnage doux et tout à fait charmant, on aurait aimé que la jeune fille soit moins passive et prenne enfin son destin en main. Le passé de la marâtre, s'il est effleuré, aurait également mérité plus d'attention. À noter cependant quelques bonnes idées : la rencontre entre le Prince et Cendrillon est inédite et plutôt bien amenée. La scène du bal, allongée par rapport au film d'animation, est une parfaite réussite de féérie et romantisme. La scène de fuite de la princesse au douzième coup de minuit est parfaitement filmée. Le dernier acte, s'il suit les grandes lignes habituelles a également le mérite de proposer quelques variantes appréciables.



A contrario du scénario trop peu inventif, le casting principal ne souffre d'aucune faiblesse. Lily James, découverte dans la série anglaise Downton Abbey, incarne une parfaite Cendrillon chargée de candeur et de douceur. L'actrice amène une fraîcheur et une beauté naturelle indispensables, même si on aurait souhaité plus de modernisme dans le traitement réservé au personnage. A contrario du classique de 1950, le Prince prend de l'ampleur dans cette adaptation et devient enfin maître de son destin. Richard Madden, déjà vu en prince dans Game of Thrones, incarne un futur monarque moderne et séduisant. Cate Blanchett est indéniablement LA star du film. L'actrice oscarisée en 2014 pour son rôle dans Blue Jasmine est une marâtre absolument parfaite, une beauté froide d'une cruauté palpable. Chacunes de ses apparitions sont savoureuses. En revanche, le traitement réservé aux demi-sœurs Anastasie et Javotte (interprétées  respectivement par Holliday Grainger et Sophie McShera) est plus bancal. L'erreur de  Kenneth Branagh est sans doute d'avoir voulu coller au long métrage animé. Mais si le comique de situation porté par les deux sœurs fonctionne en animation, cela passe moins bien dans une adaptation live où leurs apparitions sont plus ridicules qu'hilarantes. Le traitement réservé à la Marraine la Bonne Fée est également raté. Helena Bonham Carter propose un personnage loufoque en décalage avec le reste du film. Son aspect visuel tout en paillettes façon Barbie « bubble gum » est également en rupture avec le reste du récit. La bonne fée aurait mérité d’apparaître plus simple et plus magique...



Le casting est mis en valeur par des costumes et décors magnifiques. L'aspect visuel du film s'inscrit dans une tradition champêtre bienvenue du coté de Cendrillon et sa demeure, en s'opposant au clinquant palais très bien restitué. En ce sens, la composante numérique des décors et autres effets spéciaux reste discrète. Les effets visuels (notamment les animaux) sont de très bonne facture et la scène de transformation de Cendrillon un régal pour les yeux. La robe de bal de la demoiselle est une réussite et les tenues de Lady Tremaine sont un défilé haute couture à elles seules. Sandy Powell, déjà récompensée par trois Oscars pour ses costumes pourrait bien en remporter un quatrième !


La musique de Cendrillon a été confiée à Patrick Doyle qui avait déjà œuvré chez Disney pour Rebelle et fidèle comparse de Kenneth Branagh pour les partitions musicales de ses productions (Hamlet, Thor...). Les mélodies sont de qualité même s’il manque quelques références appuyées au dessin animé, uniquement effleurées. L'hommage sera davantage exploré lors du générique de fin avec une réinterprétation de A Dream Is a Wish Your Heart Makes par Lily James et Bibbidi-Bobbidi-Boo par Helena Bonham Carter.



Si l'on reste bienveillant devant cette nouvelle adaptation de Cendrillon qui bénéficie d'un casting parfait, de costumes et de décors somptueux, on regrette néanmoins une vision trop fidèle et « vieille école » au long-métrage d'animation dont elle se veut l'héritière. Le scénario reste en ce sens trop linéaire et lisse alors qu'une adaptation comme Maléfique avait l'avantage de proposer de l'inédit. Néanmoins, Cendrillon reste un film charmant et débordant de féerie qui séduira à coup sûr toute la famille.