Il y a six ans, Tim Burton redonnait vie au roman de Lewis Caroll dans son interprétation très personnelle et fantasmagorique d'Alice au Pays des Merveilles. Malgré la division des critiques, le succès du film au box-office fut colossal avec plus d'un milliard de dollars de recettes mondiales et le concept a, depuis, fait des émules... En effet, le film a lancé une nouvelle mode à Hollywood, celles des adaptations « lives » de contes au cinéma, Maléfique, Cendrillon ou Le Livre de la Jungle ayant récemment rempli les caisses des studios Disney. Dans ce contexte, la mise en chantier d'une suite à Alice au Pays des Merveilles n'est pas vraiment une surprise. Malheureusement, le retour d'Alice est bien fade, l'intérêt de cet opus De l'Autre Côté du Miroir étant à l'évidence davantage mercantile qu'artistique.

 

 

Si Lewis Caroll a lui-même proposé en 1871 une suite à son roman original, la version cinéma n'en conserve que le titre éponyme. Suivant les traces de son père, Alice Kingsleigh a sillonné mers et océans durant des années avant de regagner l’Angleterre. De retour à Londres, elle passe à travers un miroir magique, une porte qui la ramène au royaume fantastique d’Underland. Là-bas, elle retrouve ses amis le Lapin Blanc, Absolem, le Chat du Cheshire et le Chapelier Fou. Mais celui-ci n’est plus que l’ombre de lui-même : il a perdu sa fantaisie et sa folie. Face à cette situation, Mirana, la Reine Blanche confie à Alice une mission : emprunter la Chronosphère - un globe de métal situé à l’intérieur de la Grande Horloge du temps - afin de remonter dans le passé. Pour la jeune fille, cela sous-entend retrouver des amis – et des ennemis – à des moments antérieurs de leurs vies. Ce n’est qu’au prix de cette quête périlleuse, de cette course contre le temps, qu’Alice pourra sauver le Chapelier avant qu’il ne soit trop tard…

 

Le retour d'Alice au Pays des Merveilles repose ainsi sur un synopsis totalement inédit. Mais, souffrant d'un manque d'originalité certain (le thème du voyage dans le temps maintes fois abordé au cinéma...), le film s'enfonce au fur et à mesure que l'intrigue est développée. Dès lors, difficile de trouver un intérêt ou une justification scénaristique à ce nouvel opus peu inspiré, si ce n'est celle d'une préquelle qui ne s'assume pas. Tim Burton laisse le fauteuil de réalisateur à James Bobin qui n'a définitivement pas son aura, ni sa capacité à raconter des histoires. L'univers déjanté de Caroll est peu respecté et l’œuvre manque cruellement de folie.

 

 

Plus grave encore que les faiblesses scénaristiques, les personnages, plutôt réussis et salués dans le premier opus, perdent ici de leur superbe. A commencer par le Chapelier Fou qui n'a définitivement plus rien de très loufoque. Dépressif une bonne partie du film, le personnage incarné par Johnny Depp est une déception. En l'espace de six ans, Mia Wasikoska n'a pas vraiment fait évoluer le personnage d'Alice qui reste d'une fadeur exaspérante et souffre d'un faible capital sympathie. Pourtant exceptionnelle dans le premier opus, la Reine Rouge n'est plus que caricature bien que l'interprétation d'Helena Bonham Carter soit toujours aussi louable. Ses altercations avec sa sœur la Reine Blanche (incarnée par Anne Hathaway) sont peu convaincantes et l'origine de leur conflit – enfin révélé – risible. Finalement, le nouveau méchant, Le Temps, est une excellente surprise. En effet, Sacha Baron Cohen est un atout pour le film, le personnage étant bien écrit et ses motivations compréhensibles.

 

 

Alice de l'Autre Côté du Miroir s'inscrit visuellement dans la continuité du premier chapitre dont il a gardé la plupart des codes même si l’ombre de Burton s’est clairement dissipée sur les nouvelles séquences, rendant le tout plus enfantin et finalement, plus classique. Les couleurs sont nettement moins sombres et les courbes moins elliptiques. On relèvera malgré tout quelques bonnes trouvailles visuelles (comme la superbe demeure du Temps) et un film esthétiquement abouti, évitant presque le criant numérique de son prédécesseur. Danny Elfman est de retour à la partition musicale. On retrouve avec plaisir le très beau thème d'Alice au pays des Merveilles distillé tout au long du film. Les morceaux inédits sont plutôt convaincants et l'atmosphère burtonienne du premier opus respectée.

 

En passant De l'Autre Côté du Miroir, Alice a clairement perdu de sa « plussoyance ». La séquelle souffre des mêmes faiblesses scénaristiques que le premier opus et les personnages charismatiques qui sauvaient l’œuvre de Burton sont ici une déception. Restent quelques trouvailles visuelles à saluer et une musique de qualité. Sans plus d’étincelles et de folie, la saga n’aurait-elle pas dû s’arrêter au Jour Frabieux ?